Chapitre 7 : E. Lavisse, dans Histoire de France, cours élémentaire (1913)

RETOUR AU DOSSIER

Ernest Lavisse est l’auteur d’une série de manuels d’histoire qui furent très largement en usage dans les écoles de la IIIe République. Conçus pour développer l’attachement des futurs citoyens aux valeurs républicaines et à la nation, ces manuels proposent une version très narrativisée et abondamment illustrée de l’histoire de France, où l’injonction morale se mêle étroitement au récit national. La responsabilité de la Saint-Barthélemy est ici essentiellement attribuée à Catherine de Médicis qui “était une méchante femme”, le roi Charles IX étant dépeint comme un enfant faible et pusillanime.

7. Un grand crime. – Au temps de François Premier, des Français ne voulurent plus être catholiques ; ils devinrent protestants. Les catholiques détestèrent les protestants, et les protestants détestèrent les catholiques. Ils se firent beaucoup de mal les uns aux autres.

En l’année 1572, le roi était Charles Neuf. Sa mère Catherine de Médicis était une méchante femme.

Elle aurait voulu que son fils fit tout ce qu’elle voulait. Elle n’était pas contente parce qu’il écoutait les conseils de Coligny, qui était le chef des protestants.

Elle demanda au roi de faire tuer tous les protestants qui se trouvaient à Paris. Le roi refusa d’abord, puis consentit. Le massacre commença dans la nuit.

Les assassins entrèrent chez Coligny qui dormait tranquillement. Ils le frappèrent à coups d’épée et le jetèrent par la fenêtre. Vous le voyez qui s’accroche à un rebord. Il mourut en tombant.

Dans toute la ville, on tua ; on tua dans les maisons, on tua dans les rues. Même des femmes et des enfants furent assassinés. On entendait partout des cris, des coups de feu, et les cloches des églises qui sonnaient à toute volée.

La Seine s’emplit de cadavres que les assassins y jetaient. Plusieurs milliers de protestants furent ainsi massacrés. Ce fut un crime abominable et lâche. On l’appelle le massacre de la Saint-Barthélemy, parce qu’il commença le 24 août, jour de la fête de ce saint.

8. Le repentir de Charles Neuf. – Le roi Charles se repentit d’avoir laissé commettre un si grand crime. Il ne pouvait plus tenir en place. Il n’osait plus regarder personne en face ; il baissait la tête, fermait les yeux, les rouvrait, puis les refermait. La lumière lui faisait mal.

Pour se distraire, il partait à la chasse. Il courait à travers bois deux et trois jours de suite. Il ne s’arrêtait que pour manger et pour dormir un moment. Il criait pour commander à ses chiens, ou bien il jouait du cor à se rompre la poitrine. Ses mains, à force de tenir les rênes de son cheval, durcissaient ; on y voyait des coupures et des ampoules.

Il n’écoutait plus ce qu’on lui disait. Quand sa mère, la reine Catherine lui annonçait une nouvelle il disait : « Cela m’est égal, et tout le reste aussi. »

Il tomba malade. Dans ses dernières heures, il était gardé par sa vieille nourrice. Elle l’entendit se plaindre, soupirer et pleurer. Elle s’approcha de lui tout doucement et elle écarta le rideau. Il lui dit : « Ah ! ma nourrice, ma mie, ma nourrice, que de sang et de meurtres ! Ah ! Qu’on m’a donné un méchant conseil ! Oh ! mon Dieu, pardonne-moi ; aie pitié de moi, fais-moi miséricorde, s’il te plaît. »

Ernest Lavisse, Histoire de France. Cours élémentaire (édition de 1913)

Illustration de l’article : Ernest Lavisse en 1913 © Gallica / BnF

Print Friendly, PDF & Email
Retour en haut