Signature du traité franco-polonais

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Par Isabelle Davion, maîtresse de conférences à Sorbonne-Université


Loin de cesser les combats à l’automne 1918, la Pologne s’engage dans la « guerre sans fin » qui caractérise alors l’Europe centre-orientale. La guerre polono-bolchevique mène l’Armée Rouge aux portes de Varsovie, avant que la Bataille de la Vistule ne renverse la situation le 15 août 1920 : la paix de Riga, conclue en mars 1921, ouvrira la voie de la stabilisation à la Pologne restaurée. De son côté, la IIIe République victorieuse de la Grande Guerre est résolue à bâtir sous sa direction un réseau de traités destiné à assurer la sécurité du continent européen.

La continuité d’une guerre

Certes, les traités de paix consacrent, par l’intermédiaire du Pacte de la SDN, le triomphe de la sécurité collective interdisant les alliances militaires et autres pactes secrets qui déséquilibreraient les rapports de force et créeraient une atmosphère belligène. Mais pour les nations situées entre l’Allemagne et la Russie, comme pour la France qui a été leur principal soutien depuis le XIXe siècle, les outils traditionnels de la diplomatie restent indispensables pour renforcer les nouvelles frontières et les indépendances. Parmi les États successeurs de l’Europe centre-orientale, la Pologne doit constituer, avec la Tchécoslovaquie, le pilier de la future « alliance de revers » chargée de contenir toute expansion germanique ou de forcer Berlin, en cas de guerre, à ouvrir deux fronts ; par ailleurs, la Pologne est amenée à jouer aussi son rôle de « Barrière de l’Est », laquelle doit, selon les mots de Clémenceau, empêcher le bolchevisme « de se ruer sur l’Europe civilisée ». Dès lors, si la France prévoit bien de conclure avec Varsovie une alliance destinée à gagner la prochaine guerre contre l’Allemagne, certains trouvent malgré tout la démarche précoce lorsque l’état-major polonais propose d’en ouvrir les négociations fin 1920. Le plus réticent est sans conteste le Maréchal Foch qui préconise, en vain, avant tout engagement de la France, que la Pologne finalise le tracé de ses frontières, mette sur pied une armée nationale –avec l’aide de la Mission Militaire Française-, adopte des institutions définitives et marque sa volonté de se rapprocher stratégiquement de la Tchécoslovaquie.

Un accord déterminant pour l’avenir

Menés résolument par le septième ministère Briand, les pourparlers aboutissent à un ensemble de textes politiques et militaires signés en février 1921. Un accord politique stipule principalement la « concertation des deux gouvernements en vue de la défense de leurs territoires et de la sauvegarde de leurs intérêts légitimes », et l’obligation de se concerter avant tout nouvel accord diplomatique. Deux jours plus tard, une convention militaire secrète prévoit une aide non définie et non automatique de la France en cas d’agression de la part de l’Allemagne, et met en place des rencontres périodiques d’états-majors. Au grand agacement de la partie polonaise, l’entrée en vigueur du traité politique est conditionnée par la signature d’un accord commercial.

Les engagements de 1921 ne constituent pas juridiquement une « alliance » -terme régulièrement utilisé à leur propos- du fait de l’absence d’automaticité de l’assistance promise ainsi que de son caractère non nécessairement militaire. Ils n’en reconnaissent pas moins une unicité de destins et une intimité stratégique. Les responsabilités prises de part et d’autre auraient dû se renforcer dans les années suivantes, elles ont été au contraire en se diluant.

 

À lire :

DAVION Isabelle, KŁoczowski, Jerzy, SOUTOU Georges-Henri (dir.), La Pologne dans le système européen du partage à l’élargissement (XVIIIe–XXIe siècles), Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2007

DAVION Isabelle, Mon voisin cet ennemi. La Pologne et la Tchécoslovaquie dans la politique de sécurité française 1919-1939, Peter Lang, 2009 [Prix D’Aumale 2010]

DAVION Isabelle, HEUSER Béatrice (dir.), Batailles. Une histoire des grands mythes nationaux, Belin, 2020

SOUTOU, Georges-Henri, L’Europe de 1815 à nos jours, PUF, 2009

À l’Est, la guerre sans fin 1918-1923, Catalogue de l’exposition du Musée de l’armée (Invalides, 5 octobre 2018-20 janvier 2019), Gallimard, 2018

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